vendredi 3 mars 2017

Et toujours de la politique sur notre blog!



03 mars 2017
Laurent Joffrin
La lettre de campagne
de Laurent Joffrin

Fillon l'outlaw

Bientôt François Fillon se retrouvera seul, avec seulement, comme le disait volontiers Jacques Chirac qui affectionnait les aphorisme militaires, «sa bite et son couteau». Car la débandade se poursuit. Thierry Solère, son porte-parole, vient de faire défection, après quelques dizaines d’autres élus, dont la très emblématique Nadine Morano, nouvelle conscience de la droite. Ce ne sont plus les rats qui quittent le navire. C’est le navire qui quitte le rat.
Dans cette odyssée au petit pied, Penelope n’est par la nymphe Calypso : aucun sortilège ne viendra sauver l’Ulysse de Sablé. A moins d’un miracle : celui que les militants très catholiques de «Sens commun» veulent faire descendre du ciel sur la tête de Fillon en organisant une manif de soutien au Trocadéro (sur l’esplanade des droits de l’Homme, donc…) Manif pour tous ou manif pour quelques uns ? Ces marcheurs du Christ-Roi ont acquis dans la lutte contre la loi Taubira un savoir-faire incontestable en matière de procession partisane. Il y aura peut-être du monde, ce qui fera de Fillon le saint-martyr de la justice. C’est là que le défilé annoncé pose problème. Il s’agit en fait d’une manif contre la loi. On a déjà connu des défilés contestant une décision judiciaire. Mais à ce niveau de responsabilité, s’agissant d’un candidat crédible à la présidence de la République, c’est une première.
D’autant que la justice, en l’occurrence, n’a condamné personne à ce stade. Elle veut seulement une investigation sérieuse sur les accusations d’emploi fictif portées contre le couple Fillon. Rien que de très banal : la procédure est respectée et les droits de la défense garantis. Fillon joue le peuple contre les juges. Outre que le peuple en question condamne à 70% son attitude (sondage Odoxa), cette délégitimation de la justice porte en elle la négation des principes démocratiques. La démocratie se définit d’abord par l’état de droit, dans lequel la loi est la même pour tous, puissant ou misérable. Ensuite par l’élection. La deuxième sans le premier n’est qu’une forme démagogique de la tyrannie. La manifestation de dimanche demandera, ouvertement ou implicitement, l’instauration d’un privilège en faveur d’un candidat président dont l’un des rôle essentiels sera, s’il est élu, de préserver… le bon fonctionnement de la justice. Un homme politique européen de premier plan a récemment usé du même stratagème pour se sortir d’affaires embarrassantes. Il s’appelle Silvio Berlusconi.

Et aussi…

• Juppé sera loyal, mais… Attentif à l’évolution de la crise, le maire de Bordeaux se prépare à prendre la barre du navire en perdition. Il a laissé ses fidèles sauter dans les chaloupes et se tient sur une réserve… très active. Ce serait la logique des choses : l’électorat de droite est toujours là, même si le soutien à Fillon fléchit. Malgré tous ses ennuis, le candidat recueille encore près de 20% des intentions de vote. Qui devraient se gonfler tout naturellement si Juppé monte sur le pavois. Contrairement à ce qu’on lit un peu partout, la droite est loin d’avoir perdu cette présidentielle.
• Le même sondage Odoxa peut jouer un rôle dans la crise de la droite : il place Juppé en tête du premier tour s’il se présente, alors que Fillon est pour l’instant troisième.
• Erreur dans la lettre d’hier : nous remarquions que les juges pourraient exiger de François Fillon un cautionnement en même temps qu’il le mettraient en examen. C’est vrai pour les justiciables habituels. Mais François Fillon est parlementaire : son immunité le protège de toute mesure de coercition que les juges pourraient prendre à son encontre. Précision utile…
Laurent Joffrin

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